Kolumne

Les Faux-amis du discours politique

Das politische Europa lebt von der deutsch-französischen Verständigung. Der Politologe Gilbert Casasus – bilingue – wirft einen Blick auf das politische Vokabular beidseits des Rheins.

Cet article n’aurait jamais trouvé sa place sur le site de l’ASPE, s’il n’avait pas été inspiré par un autre. Un de ceux que nos fidèles lecteurs n’auront certainement jamais lu et ne liront vraisemblablement jamais. Même son auteur demeure inconnu dans nos contrées suisses, voire au-delà du cercle restreint de quelques spécialistes du franco-allemand. Non ! Quitte à décevoir, ces quelques lignes ne seront pas consacrées à une relation qui, à force de se reposer sur ses lauriers, perd de sa splendeur. C’est là une tout autre affaire, une autre histoire qui mériterait une toute autre approche.

Revenons à nos moutons ou plutôt au sujet de ce jour qui, dans notre pays multilingue, ne peut pas laisser indifférent. On l’aura compris, il est question de langue, plus précisément de l’allemand et du français en politique. Si les mots sont souvent les mêmes, ils ne veulent pas forcément dire la même chose. À quoi notre rédacteur de l’article susmentionné n’avait visiblement pas fait attention. Dans son éditorial très sérieux, très académique, mais franchement longuet et plus que rébarbatif, le Directeur adjoint de l’Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg, Stefan Seidendorf, s’interroge sur la gouvernementalité de la France après le scrutin législatif du 7 juillet dernier. Bien que la question soit légitime, son ébauche de réponse n’a pas de quoi casser trois pattes à un canard. Au cas où personne ne l’aurait deviné avant lui, il plaide pour une grande coalition allant de la droite à la gauche . Mais là, n’est vraiment pas l’essentiel.

Nonobstant une erreur de date concernant les seules élections législatives ayant eu lieu à la proportionnelle durant la Ve République, soit en 1986 et non en 1984 (errare humanum est), Stefan Seidendorf commet un autre impair qui n’est pas le fruit du hasard. Au début de son article, il évoque les anciens partis libéraux-démocrates au pouvoir, à savoir le Parti socialiste et pour la droite modérée, Les Républicains. Sauf que pour le dernier d’entre eux, soit pour Les Républicains, celui-ci n’a pas eu l’occasion de gouverner la France sous son nom actuel. D’obédience sarkozyste, il est le parti français de la droite classique et conservatrice. Mais ses racines, fort anciennes et disparues depuis belle lurette dans les profondeurs de l’histoire, remontent aussi au gaullisme, qu’aucun observateur politique, digne de ce nom, n’aurait voulu par mégarde qualifier de libéral-démocrate. Quant au PS, c’est encore beaucoup plus saugrenu. Après avoir adopté depuis peu une posture sociale-démocrate, le Parti socialiste s’est toujours réclamé, notamment sous François Mitterrand, d’un socialisme à la française qui ne puise aucune de ses sources dans le libéralisme. L’apostropher aujourd’hui de libéral-démocrate, c’est faire au mieux preuve d’une méconnaissance historique, au pire ne pas respecter les règles élémentaires du langage politique. Néanmoins, le libéralisme-démocratique s’est imposé une seule fois sous la Ve  République : en la personne de Valéry Giscard d’Estaing, locataire durant sept ans de l’Élysée entre 1974 et 1981. Même Nicolas Sarkozy n’a pas véritablement incarné cette famille politique, car son quinquennat (2007-2012) resta relativement interventionniste.

Stefan Seidendorf aurait dû vérifier la traduction française de son article qu’il a, selon toute vraisemblance, rédigé en allemand. D’ailleurs, c’est à ses compatriotes qu’il s’adressa en premier. Ainsi, ne s’est-il pas rendu compte à temps de sa bévue. Mais, aux yeux d’un lecteur bilingue, il a toutefois dérapé. Contrairement aux Allemands, aux Français ou aux autres ressortissants de pays européens, les Suisses sont astreints à plus de précision linguistique. Chacun d’entre nous doit en effet faire attention à la version allemande, française, italienne, voire anglaise du texte qu’il publie. Cela concerne non seulement les affaires intérieures, mais aussi et surtout la politique étrangère du pays.  À titre d’exemple, le terme, fréquemment employé ici-bas, «d’indigène » fait sourire quelques âmes françaises bien nées, car il leur rappelle immédiatement le sort réservé aux populations locales lors du « temps béni des colonies ». Si prisé en Suisse, le mot de « milice » est également à manier avec des pincettes. Généralement, il évoque en France une organisation paramilitaire sous Vichy, coupable de mille et un crimes contre la résistance, les communistes, les gaullistes et les juifs. Enfin, comment ne pas se montrer prudent envers l’emploi du terme de bourgeois, aux définitions multiples et à la connotation négative pour désigner familièrement comme bourges les privilégiés et autres nantis du système.

Pourtant, c’est le mot « droite » qui retient particulièrement notre attention. En français, un parti de droite est un parti conservateur ou libéral, voire les deux, respectueux de la démocratie, placé, comme son nom l’indique, à la droite de l’échiquier politique. C’est la droite classique. Comme l’illustre d’ailleurs le nouveau titre du groupe des Républicains à l’Assemblée nationale française, désormais répertorié sous l’appellation Droite républicaine. En revanche, les partis de la droite allemande, autrichienne et suisse allemande ne se définissent nullement comme des rechte Parteien. C’est là, dans ces pays, le nom attribué aux partis d’extrême droite. Ou pour le dire et l’écrire autrement, wer rechts ist, n’est pas de droite et qui est de droite, n’est pas rechts ! Ainsi, la traduction littérale de ces deux mots peut conduire à des querelles qui dépassent de loin leur cadre sémantique. L’histoire étant passée par là, il y a de quoi en faire une histoire !

Moins dramatique, mais néanmoins cocasse, une petite anecdote permet de clore ce chapitre de terminologie franco-allemande. Très heureux de faire la connaissance de l’un de ses camarades allemands du SPD, un socialiste français s’était empressé de le saluer comme son Kamerad. Ce dernier, de tradition pacifiste, se montrait pour le moins not amused (pour parler une autre langue). De cette référence, il n’avait retenu que le caractère militariste qu’il n’avait guère genossen !

 

 

#Europa

Gilbert Casasus

Le professeur Gilbert Casasus a dirigé jusqu'en 2022 le domaine des Études européennes de l'Université de Fribourg. Il est membre du Comité directeur de la SGA/ASPE.

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