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Le déclinisme n’est pas une option

Il n’aura fallu que quelques heures pour que cet article prenne une tout autre tournure que celle initialement prévue. Un seul séjour personnel, d’à peine deux jours dans la France profonde, aura suffi pour s’interroger sur le destin d’un pays envers lequel le 21e siècle n’a pas été tendre. Ce bout de phrase, signé par le journaliste britannique Jonathan Fenby, résume à la perfection la thèse de l’ouvrage que les éditions Grasset viennent de publier sous le titre évocateur du Bal des Illusions – Ce que la France croit, ce que le monde voit. Rédigé par les deux auteurs François d’Alençon et surtout Richard Werly,  que les Suisses connaissent bien pour ses articles parus naguère dans Le Temps et plus récemment comme correspondant Europe de la version électronique romande du Blick, il dépeint, sans complaisance aucune, un pays hanté par le déclin.

Thème récurrent de la politique française depuis près de quarante ans, à l’heure où Jacques Chirac s’en prenait à tort aux affres que François Mitterrand aurait fait subir à la France, le déclin se décline à toutes les sauces.  Les unes d’ailleurs souvent plus démagogiques que les autres, n’ont en rien réhaussé l’excellence des recettes politiques de l’Hexagone. Sans remonter à de Gaulle, dont la nostalgie ne cesse de hanter les couloirs et les alcôves des palais du pouvoir régalien, Mitterrand et Chirac furent, sans nul doute, les deux derniers grands Chefs d’État de la Ve République. Depuis lors, la France va mal, et plus mal encore qu’elle ne le croie. C’est là le constat que dressent les deux auteurs de ce livre qui, sans en partager toutes les conclusions, ne peut pas laisser indifférent.

La France a perdu de sa superbe

Sans dater au juste ces, si joliment décrites, feuilles de déroute, la France a perdu de sa superbe. Dans leur plaidoyer assez lucide, François d’Alençon et Richard Werly insistent sur cette grande puissance qui, pour cacher son déclassement, aspire à incarner, selon les mots mêmes d’Emmanuel Macron une puissance d’équilibre, représentée sur le plan international par une diplomatie [qui] navigue à vue, privée de boussole depuis la fin de la guerre froide, la réunification allemande et l’élargissement de l’Europe ou, pour l’exprimer autrement, par un Quai d’Orsay marqué par la contradiction entre une diplomatie qui continue à afficher son ambition universelle et des moyens qui ne permettent plus de la réaliser.

Aujourd’hui, la difficulté de la France se résume en un mot : la confiance. Elle s’évapore au gré des événements de ces dernières années, dont celui des Gilets Jaunes. Comptant prendre leur revanche sur le parisianisme, ils ont amorcé le virage extrémiste de droite que leur pays est en train de prendre. Toutefois, les deux auteurs les exonèrent trop vite et ne mesurent pas la responsabilité politique qui leur incombe. En toute logique, la seule référence aux travaux, idéologiquement contestables, du géographe Christophe Guilluy ne donne guère l’occasion d’approfondir un sujet dont la complexité ne s’arrête pas au succès des films populaires qui, aussi caricaturaux soient-ils, accréditent l’idée d’une société française plus solide que les rapports et enquêtes d’opinion le prétendent.

Les regards suisses

Pour le lecteur suisse, l’intérêt de ce livre se porte sur les regards que certains de nos compatriotes portent sur la France d’aujourd’hui. Ils ne sont pas dénués de tout fondement et oscillent entre une critique acerbe et cette once d’admiration que l’Helvète a toujours eu pour son homologue français. On y retrouve des noms connus, comme ceux de Micheline Calmy-Rey, Jean Russotto ou Jean Ziegler, et dans un autre registre celui de l’acteur Vincent Perez ou de Gilles Grin, Directeur de la Fondation Jean-Monnet pour l’Europe et membre du Comité directeur de l’Association suisse de politique étrangère. Comme d’autres personnes interrogées, paradoxalement [ces] interlocuteurs internationaux se sont…montrés bien plus prudents sur la dégradation de l’influence française que les Français eux-mêmes.

L’ouvrage de François d’Alençon et de Richard Werly est un livre utile. Utile et nécessaire pour appréhender une France qui vote à près de 40% pour l’extrême droite. On en ressort lessivé, inquiet, dubitatif. Mais, on ne regrette pas de l’avoir lu. Loin de là ! Il offre ce que chaque livre devrait procurer : de la matière grise, au moment même où celle-ci fait cruellement défaut à la politique. À chacun de ses lecteurs, il apporte non du réconfort, mais cette dose d’esprit critique, devenu trop rare entre-temps. Et pour ne pas conclure sur une note négative, il se termine aussi par une lueur d’espoir, à savoir que le déclinisme n’est pas une option.

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Richard Werly, François d’Alençon, Le Bal des Illusions – ce que la France croit, ce que le monde voit, Éditions Grasset, Paris 2024, 329 pages.

 

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