Les prochaines élections européennes auront lieu le 9 juin prochain. Et pour paraphraser Raymond Aron, la Suisse aura le droit d’y assister comme spectatrice désengagée. Près de 360 millions d’électeurs seront appelés aux urnes. Mais, pas les Suisses. À l’exception notoire de celles et ceux qui ont une autre nationalité communautaire et qui, plus que ce n’est le cas pour la grande majorité de leurs concitoyens, ont conscience d’appartenir à l’Europe.
Être suisse, c’est être européen. Ou pour reprendre les mots de notre grand et regretté ambassadeur Luzius Wasescha, « nous ne sommes quand même pas des Asiatiques » ! Mieux placé que quiconque, il savait de quoi il parlait : sa veuve est vietnamienne !
Et que dire de plus ? Nous sommes européens, comme beaucoup d’autres Européens. Cela peut faire sourire ou irriter. Mais, aucun argument tantinet sérieux ne permet de remettre en cause ce qu’il convient d’appeler une lapalissade.
Et comme autre lapalissade, nous aurons pour seul loisir que celui de scruter les résultats d’une élection à laquelle nous n’avons pas le droit de prendre part. Toutefois, elle nous concerne plus ou moins directement. Quitte à bomber le torse des champions tous azimuts de la démocratie directe, nous tombons de notre piédestal. Obligés d’avouer que les absents ont toujours tort, nous devrons nous résigner à notre triste sort : En Europe, il n’y pas plus absent que les Suisses !
Ou pour le formuler plus explicitement, l’absence suisse aux élections européennes entrave la participation de ses citoyens à une prise de décision démocratique. Car ce qui se passe en Europe, se déroule aussi en Suisse. À tous les aficionados de la sacrosainte « souveraineté nationale » que soit rappelé ici que le réchauffement climatique ne s’arrête pas aux sommets des Grisons ou que l’UE n’attendra pas l’avis de Berne pour que les pays méditerranéens ne subissent plus à eux seuls l’arrivée des migrants sur leurs côtes.
La Suisse se contente de ce qu’elle a obtenu. Et elle peut encore en obtenir plus. Par exemple, grâce à de nouveaux accords conclus avec l’Union européenne. Elle en sera ravie. Mais, elle restera cantonnée dans son rôle qu’elle a choisi d’assumer. Celui d’un pays qui va bien, mais qui ne compte que trop peu sur la scène européenne. Du moins ne veut-il pas prétendre au rang qui est le sien ou qui devrait lui revenir. La Suisse vaut mieux que ce qu’elle pense être. Et les Suisses pourraient enfin se libérer du réduit qui leur sied de moins en moins. Astreints à rester sur le banc de touche, ils refusent même de faire une quelconque apparition sur le terrain de jeu. Rien ne sert alors de se voiler la face. Il n’y a pas mille et une manières pour que « la Confédération participe activement à l’intégration européenne ». Il n’y en a qu’une : celle de glisser son bulletin dans l’urne lors des élections européennes. Comprenne qui voudra ou, si l’on préfère, appelons à ne plus regarder la question européenne que par le petit bout de la lorgnette !
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*Le professeur Gilbert Casasus a dirigé jusqu’en 2022 le domaine des Études européennes de l’Université de Fribourg. Il est membre du Comité directeur de la SGA/ASPE.
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